Juste un job ?
Hier soir j’avais prévu d’aller voir l’un des films de la rétrospective Lubitsch. Hélas, la rumeur selon laquelle le cinéphile est un couche-tard a la vie dure… Pas de séance avant 22h30, et comme « Le ciel peut attendre » dure 2h52, que je bossais le lendemain, et que je suis une vraie mémé en ce moment (faaaaatiguée !), on a préféré laisser tomber l’option Lubitsch (je f’rai sa fête au DVD-Club…). En route pour le plan B. Et le plan B qui convenait à toutes les personnes concernées (à savoir moi et mon cinéphile de pote) c’était :
Le Diable s’habille en Prada (David FRANKEL – 2006)
J’avais vu le livre dans les rayons des librairies, mais je n’avais pas succombé au charme de la couverture, qui pourtant me plaisait beaucoup. Je n’avais donc pas tellement idée de ce dont il s’agissait. Une satire sur le monde de la mode, point.
J’y allai surtout pour Meryl Streep en chef infernale (en souvenir des 101 dalmatiens :o) et pour les tenues de ces dames, qui ne manqueraient pas de me plonger dans un abîme de perplexité le lendemain devant ma garde-robe.
Alors c’est effectivement une satire sur le milieu éditorial de la mode, et plutôt bien tournée d’ailleurs. C’est acerbe, tranchant. Les personnages sont justes. Caricaturés, certes, mais justes. On s’y retrouve beaucoup (enfin, moi ça m’a parlé, le reste de la salle, je sais pas) et finalement on se rend compte que ce n’est pas QUE une satire sur le milieu de la mode.
Ce qui m’a vraiment interpellée, c’est l’aspect boulot-à-la-con-qui-me-plait-pas-mais-qu’est-un-bon-marche-pied-pour-la-suite. Ca amène à se poser la question « jusqu’où accepte-t-on d’aller pour son job », et surtout « to quit or not to quit » pour reprendre ce qu’aurait pu dire mon ami Shakespeare… Quand on sait que le boulot qu’on a est une excellente transition vers un futur meilleur boulot, parce qu’on y fait tout un tas de trucs qui en jettent, qu’on a pas mal d’autonomie et de responsabilités, que le domaine et le sujet sont potentiellement des clefs qui ouvrent beaucoup de portes,… Bref quand on sait tout ça MAIS que chaque matin c’est la torture de se lever pour aller bosser. Parce qu’on n’aime pas ce qu’on fait, la manière de fonctionner de l’entreprise, le manque d’éthique, de compétence, de jugeote de la part de ses supérieurs, et j’en passe. Faut-il laisser tomber et gâcher ses chances pour la suite ? Faut-il continuer tout en sachant que ça va à l’encontre de ce qu’on pense ?
Cette décision est totalement personnelle et c’est bien là le sujet du film. Que celui qui n’a jamais hésité à quitter un boulot alimentaire me jette la première pierre !
Mais encore un peu au-delà de ça, il y a la question fondamentale, qu’il faudra bien se poser un jour, et ce en particulier pour les femmes : « le boulot, c’est quoi ? ». Entre une carrière exemplaire et une vie de famille exemplaire, que choisir (parce que bon faut pas se leurrer, rares sont celles qui parviennent à concilier les deux !) Attention, je ne parle plus de bonheur au boulot ! Je parle d’ambition, de responsabilités, de finir à 22h pour boucler un dossier alors que ton assistante est rentrée depuis belle lurette et que toi aussi tu le serais si tu en étais restée une, d’assistante…
L’épanouissement professionnel se fera-t-il au détriment du bonheur familial ? Est-ce que vraiment la carrière exemplaire dont on rêvait correspond au shéma de vie qu’on est en train de se forger ? Bon, là j’extrapole un peu sur le sujet du film, mais il y a de ça.
La chef tyrannique et omniprésente est une femme. Sa vie personnelle n’est pas à la hauteur de sa vie professionnelle et ça fait jaser ; ce ne serait pas le cas pour un homme, lesquels d’ailleurs n’ont pas, ou alors dans une très moindre mesure, à se poser ce genre de question.
La discussion qui a suivi le film, avec mon pote, a porté sur ce sujet. Et décidément, les différences professionnelle hommes-femmes persistent et ne sont pas prêtes de céder du terrain.
Mais pour en revenir au film, je l’ai beaucoup apprécié, et je le recommande à à peu près tout le monde.